Chronique 29 – Droit des contrats : un contrat à exécution successive peut être résilié tacitement

Chaque partie peut résilier à tout moment une convention à durée indéterminée, moyennant le respect d’un préavis dont la durée est proportionnelle à la durée des relations contractuelles entre les parties (plus on a travaillé ensemble, plus le préavis doit être long), et à condition de ne pas abuser de ce droit.

Ce principe est une des règles cardinales du droit des contrats.

La réforme du droit des obligations entrée en vigueur en octobre 2016 a d’ailleurs étendu son application aux contrats à durée déterminée conclus pour une durée très (trop) longue (engagements dits « perpétuels », qui sont prohibés), lesquels encouraient auparavant la nullité : désormais, chaque partie à un tel contrat peut, moyennant un préavis (soit le préavis prévu dans le contrat, soit un préavis « raisonnable »), y mettre fin à tout moment.

Toutefois, quelle forme peut prendre cette résiliation ? Doit-elle nécessairement être expresse, c’est-à-dire formalisée par une lettre adressée à l’autre partie et mentionnant la volonté claire et non équivoque de mettre fin au contrat ? Cette résiliation peut-elle être tacite ?

Un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation (18.1.2023, n°21-17.848) vient rappeler (c’est une confirmation de jurisprudence) qu’un contrat à exécution successive ne prévoyant aucun terme (donc à durée indéterminée) peut être résilié tacitement par l’une des parties.

En l’espèce, un vendeur de téléphones qui s’approvisionnait auprès du même fournisseur depuis plusieurs années s’est vu refuser, pour la première fois, par ce dernier, le retour de ses marchandises invendues. Les parties avaient pourtant, plusieurs mois auparavant, fixé par échange d’e-mails les conditions de ce retour, que le fournisseur avait donc accepté. Ledit fournisseur n’autorisant désormais ces retours qu’au cas par cas, et non systématiquement, le vendeur engage une action contrat ce dernier en lui réclament diverses sommes au titre des retours demandés.

La Cour de cassation annule l’arrêt de la Cour d’appel qui avait accueilli les demandes du revendeur : elle considère qu’en modifiant les conditions de reprise des marchandises invendues, le fournisseur avait unilatéralement et, surtout, tacitement résilié le contrat.

Explication : l’accord précédent entre les parties était remis en cause, et le fournisseur ne pouvait être tenu de maintenir indéfiniment ses anciennes conditions.

Cependant, un point n’a pas été soumis à la cour suprême : cette résiliation, dans ces conditions, n’était-elle pas abusive ? Ce n’est pas exclu, et doit donc inciter les parties à la prudence dans un tel contexte.

ÉTAT D'ESPRIT

Les cinq sens de l'homme doivent lui en donner un sixième, complément de tous les autres : le sens des valeurs.

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