Chronique 24 – La nullité d’une convention réglementée

DROIT DES SOCIETES : ACTUALITE : UNE CONVENTION REGLEMENTEE PEUT ETRE ANNULEE

Un contrat conclu par une société avec l’un de ses dirigeants ou l’un de ses associés recèle toujours un risque potentiel : celui de voir le dirigeant ou associé profiter de cette situation pour se faire consentir à cette occasion des avantages indus, des conditions financières plus avantageuses que celles du marché.

Le droit des sociétés veille, et il soumet, dans toutes les structures à risques limités (mais également dans les sociétés non commerciales qui ont une activité économique, article L 612-5 du Code de commerce), ces conventions à une autorisation, soit préalable (dans les sociétés anonymes, article L 225-38 du Code de commerce), soit postérieure à la signature du contrat (dans les S.A.R.L. article L 223-19 du Code de commerce pour les S.A.R.L., article L 277-10 dudit code pour les S.A.S.). Et dans les sociétés anonymes, une convention créant préjudice à la société peut être annulée.

Rappelons également que certaines conventions sont interdites : le dirigeant ne peut pas se faire prêter de l’argent par la société qu’il dirige (prêt, avance en compte courant), ni se faire garantir par elle un engagement vis-à-vis d’un tiers.

Ces dispositions concernent le dirigeant lorsqu’il est intéressé directement mais aussi, et c’est l’un des intérêts de l’arrêt évoqué ci-après, indirectement. La cour de cassation, dans un arrêt du 30 novembre 2022 (n°21-20.910 F-D), fait droit à la demande d’annulation d’un bail conclu entre une société et la belle-sœur du directeur général, laquelle est propriétaire indivise des locaux loués avec le frère du dirigeant. La propriétaire saisit la justice en résiliation du bail et paiement de loyers impayés. La société réplique en sollicitant la nullité du contrat de bail sur le fondement des dispositions de l’article L 225-38 du Code de commerce.

La Cour de cassation prononce la nullité du contrat de bail car le loyer était supérieur à celui pratiqué par le marché. En effet, alors que le bail prévoyait un usage exclusif des locaux au profit de la société, il s’avérait en fait qu’une partie de ces locaux était occupée par une autre société dans laquelle la belle-sœur exerçait une activité.

Pour cette raison, et parce que le dirigeant de la société a ce faisant privilégié des membres de sa famille au détriment de la société qu’il dirige, la convention, qui avait indéniablement des conséquences préjudiciables pour la société, a été annulée.

Parce qu’il n’est pas courant de voir de tels exemples en jurisprudence, cet arrêt mérite d’être largement diffusé.

ÉTAT D'ESPRIT

Les cinq sens de l'homme doivent lui en donner un sixième, complément de tous les autres : le sens des valeurs.

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