Chronique 26 – Droit des sociétés : La convention de croupier n’est pas un contrat de vente
Il n’est pas fréquent que la Cour de cassation soit amenée à se prononcer sur le régime juridique de la convention de croupier. Et il est également rare d’évoquer ce contrat sui generis, qui a été réglementé par le code civil jusqu’à la loi du 4 janvier 1978, date à laquelle l’ancien article 1861 du code civil, seule disposition consacrée à la convention de croupier, a été supprimée.
La rédaction de la convention de croupier a une très grande incidence sur son régime juridique ; le plus souvent, on se trouve en présence d’une société en participation conclue entre les parties à la convention de croupier.
Mais rappelons ce qu’est une convention de croupier : un associé d’une société (appelé le « croupier ») convient avec une autre personne, qui n’est pas associée (appelée le « cavalier »), de partager les bénéfices (dividendes) de la participation détenue par le croupier. Les raisons pour lesquelles cette convention est conclue peuvent être très diverses ; notamment, le cavalier peut souhaiter bénéficier des revenus générés par la participation détenue par le croupier, sans toutefois que sa présence soit connue par les autres associés de la société (il est en effet fréquent que les autres associés de la société ne soient pas informés de l’existence de cette convention).
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, les parties s’opposaient sur les conséquences du dénouement de la convention de croupier : alors que le cavalier avançait une analyse traditionnelle (société en participation), le croupier prétendait que les termes de la convention s’analysaient en un contrat de cession d’actions.
Précisons que si – ce qui est possible, mais il faut alors que les termes de la convention soient très clairs et traduisent très précisément la volonté des parties de faire prévaloir cette option – la convention de croupier prévoit qu’à son terme, les actions sur lesquelles elle porte sont attribuées au cavalier, ce contrat s’analysera alors en une convention de portage (une partie, l’associé « officiel », porte des actions dont va in fine bénéficier un associé « caché »).
L’hésitation provenait ici du caractère ambigu des termes de la convention, laquelle disposait que 95% des « droit en capital représentés par les actions de la société » devaient être attribués au croupier. Cession d’actions ou partage des dividendes ? C’est la seconde option qui a été retenue par la Cour de cassation, qui n’a pas vu dans cette formulation une volonté claire des parties de transférer la propriété des titres.
Comme l’a indiqué Monsieur le Professeur Bruno Dondero dans l’article qu’il consacre à cette décision (JCP éd. E n° 8-9, 23 février 2023, n° 1059), lorsque la convention de croupier prend fin, le cavalier doit « savoir descendre de cheval »….